Alors que les usages du numérique en classe sont de plus en plus répandus, de nombreuses études signalent des résultats divergents en ce qui concerne les bénéfices de ces outils pour les apprentissages, notamment en mathématiques (Grugeon-Allys & Grapin, 2020). En outre, suite à l’essor de l’enseignement à distance, imposé par la crise pandémique de la Covid-19, l’utilisation de ces technologies a augmenté de manière significative (Borba, 2021). Aussi, avons-nous souhaité évaluer l’efficacité de l’utilisation de tablettes numériques pour l’entraînement à la résolution de problèmes de proportionnalité dans ce contexte d’apprentissage virtuel.
À cette fin, en prenant appui sur de récents travaux suggérant un effet positif de l’entraînement à la catégorisation flexible (Gvozdic & Sander, 2020; Iacono et al., 2022; Kurtz & Honke, 2020; Scheibling-Sève et al., 2022), nous avons mené une étude expérimentale auprès de 10 classes d’élèves de CM2 (H7), situées dans le même réseau d’éducation prioritaire renforcé. Nous avons élaboré une série de huit sessions d’apprentissage pouvant être menées par l’enseignant en classe entière (mode actuel) ou présentées individuellement à chaque élève sur une tablette numérique (mode virtuel). Les élèves devaient suivre la moitié de cette séquence - soit les quatre premières séances, soit les quatre dernières - selon chaque modalité (virtuel/actuel).
Cette séquence consiste à entraîner les élèves à catégoriser, en les comparant, des problèmes analogues partageant, ou non, des similitudes de surface dans le but de les amener à identifier les structures, profondes (principes de solution) des énoncés en ignorant les effets de contenus (e.g., Gros, Thibaut, & Sander, 2021). Notre dispositif comprenait 96 problèmes, présentant 24 thèmes différents (bonbons, fleurs, livres, etc.), distribués selon les quatre structures de problèmes quaternaires définies par Vergnaud (1983) : la multiplication, la division-partition, la division-quotition, la proportionnalité. Pour mesurer l’efficacité de l’utilisation de ces outils numériques, nous avons comparé la progression des élèves en mesurant leurs performances en catégorisation et résolution de problèmes selon la modalité - actuelle ou virtuelle - qu’ils ont suivie. Pour ce faire, nous avons administré le même test au début, au milieu et à la fin de la séquence.
Nos résultats ont montré que les élèves de réseaux d’éducation prioritaire renforcé ayant suivi le protocole éducatif ont davantage progressé dans leurs capacités à catégoriser et à résoudre des problèmes de proportionnalité par rapport au groupe contrôle. En outre, parmi ces élèves du groupe expérimental, ceux ayant suivi cet enseignement via la modalité virtuelle sur des tablettes numériques ont présenté une progression plus importante que ceux ayant suivi les mêmes leçons selon la modalité actuelle, lors du test intermédiaire comme lors du post-test.
Ainsi, bien que les apports du numérique restent mineurs dans certains domaines (Tricot & Chesné, 2020), l’utilisation de tablettes numériques dans un contexte d’apprentissage autonome peut avoir un impact significatif sur la réussite des élèves. Nous discutons du rôle de l’attention dans cette amélioration des performances en condition virtuelle, en appliquant la grille d’évaluation de l’attention des élèves de Jackson et Hudgins (1965) sur des enregistrements réalisés lors des séances.
Savoir lire et évaluer les informations provenant de textes multiples issus d’Internet est une compétence nécessaire pour comprendre des sujets complexes (Britt et al., 2018). Le Modèle d’engagement cognitif et affectif de l’utilisation de sources multiples, proposé par List et Alexander (2017), postule que la compréhension de textes multiples dépend de l’engagement cognitif et affectif des lecteurs avec la tâche. List (2020) a montré que l’intérêt pour le sujet des textes (engagement affectif) et les habitudes d’évaluation de l’information (engagement cognitif), par le biais du temps de lecture, ont un effet positif sur la capacité des étudiants à intégrer des informations provenant de textes multiples.
L’objectif de notre étude est de répliquer les résultats de List (2020) en explorant la relation entre l’intérêt et les habitudes d’évaluation de l’information des élèves ingénieurs, et leur capacité à se rappeler, à reconnaître et à évaluer les sources d’information en ligne sur le thème du statut juridique de la création d’entreprises. Notre hypothèse est que chacune des variables individuelles corrèle positivement avec le rappel, la reconnaissance et l’évaluation des informations.
Nous avons recruté 116 élèves de première année à l’école Polytechnique de Tours. Nous avons mesuré leur intérêt et leurs habitudes d’évaluation de l’information avec deux échelles adaptées de List (2020). La tâche d’apprentissage consistait à lire et à évaluer quatre documents adaptés de sites web sur le statut juridique de la société à responsabilité limitée (SARL). Ces documents et les questions de rappel, de reconnaissance et d’évaluation étaient présentés dans une plateforme numérique conçue dans le cadre d’un projet de recherche (Rouet et al., 2018). Les étudiants avaient une heure pour réaliser la tâche, sans l’aide de l’enseignant.
Les résultats montrent que l’intérêt des élèves ingénieurs pour le thème de la SARL corrèle positivement avec le temps de lecture des textes (r = .28, p < .01). À son tour, le temps de lecture corrèle avec l’évaluation des documents (r = .28, p < .01). Une analyse de régression multiple a été utilisée pour vérifier si l’intérêt et le temps de lecture prédisaient de manière significative les scores d’évaluation des participants. Les résultats indiquent que seul le temps de lecture explique 8 % de la variance (R2 = 0,08, F(2,112) = 4,99, p = .080). Les Habitudes d’évaluation ne corrèlent avec aucune variable de manière significative.
En conclusion, nos résultats suggèrent que l’intérêt des élèves ingénieurs pour le thème du statut juridique de la SARL a une faible corrélation avec l’évaluation des documents issus d’Internet sur ce sujet, et que le temps de lecture est un meilleur prédicteur des performances d’évaluation. Plusieurs facteurs peuvent potentiellement expliquer les différences par rapport aux résultats de List (2020). Ils seront présentés lors du colloque.